LeMas26

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| Un aller-retour sur le GR20/sept 2016

Voici un petit compte-rendu sans prétention écrit tout particulièrement pour Fred et Pierric mes 2 fidèles acolytes de tant d’aventures dont chacune d’elles, quand on ne l’a pas vécue ensemble, s’accompagne toujours d’un « tu me raconteras » ou « je te raconterais ». J’y ajouterai aussi volontiers Fabien qui occupe tant de mes pensées mais c’est un athlète plus qu’un montagnard et donc que les choses soient claires : si, même de là haut, je m’aperçois qu’il fait la Paglia-Orba sans être accompagné d’un vrai grimpeur, je descends sur le champ lui en planter une !

On l’avait calé depuis longtemps ce GR20, pour bien réaliser le changement de vie, la retraite de paysan, la vente de la ferme. Du Sud au Nord en 14 étapes, à 2 couples. Un bonheur. Tout particulièrement dû à la qualité de Serge et Cathy, amis de 30 ans. Serge a une rare capacité à cultiver l’amitié, comme dans un couple qui dure il sait trouver tous les jours de nouveaux motifs de considération. Et quel bonheur de ne constater aucun égo quand l’un ou l’autre, devant, annonce n’être pas sur le bon passage et laisse la conduite à l’autre. Et Cathy c'est la championne de la « positive attitude » !

2 à 3 jours de grosses pluies (mais quel beau temps pour la Corse qui était tant sèche !) nous ont fait raté 2 étapes importantes au Nord de Pétra-Piana (avec les lacs). (L’apocalypse c’était, tout le monde est redescendu).

Et par choix de rester ensemble, nous n’avons fait aucune des variantes (sauf l’alpine de Bavella quand même) ni les sommets.

Dès la première étape de goudron Ste Lucie-Conca, j’avais mal sous les pieds, au tendon gauche et aux 2 genoux.

La carcasse tiendrait elle 14 jours ?

Sauf qu’au bout de 5 à 6 jours, plus aucune douleur, même le dos n’a plus mal dès que je marche, et l’équilibre est bien là pour passer d’un caillou à l’autre. Je commence à y penser…

Arrivé à Calvi, je n’ai aucune envie que ça s’arrête. C’est plus une durée de vacances que de voyage et j’aimerais rester dans cette impression de grand voyage, de vrai trek.

Annulation du bateau de retour et dès le surlendemain matin train et stop jusqu’à Haut-Asco. Les 3 dernières étapes du Nord, je viens juste de les faire et elles ne proposent aucun sommet possible.

Je suis tenté par le cirque de la solitude et rencontre à Asco, 3 niçois en grosse forme. Le leader a déjà fait 11 fois le GR20 et me dit que lui qui le connait bien, il n’irait pas à cause des pluie récentes qui font ruisseler partout et de plus maintenant il n’y a plus ni chaines, ni balisages… Soit.

Départ 7h du matin. A 9h40 je suis à la Pointe des éboulis. Je sens que ça va aller ce retour. 

Sauf que je suis le premier du matin à me rendre au sommet du Cinto et que c’est un sacré bousin de tas de cailloux.

Je cherche comme toujours une logique à l’itinéraire, m’attendant à ce qu’il traverse en balcon en bas puis monte droit dans le final. Pas du tout, ça monte et ça descend sans logique au gré des passages. De plus je n’ai pas les bons yeux ce jour là pour les points jaune. Si seulement j’avais eu quelqu’un devant…

2h pour l’aller-retour… Pas gagnée la journée, sans compter que j’y ajoute une grosse sieste et un long casse-croute.

Vu la dépense de temps et d’énergie, je conseille de s’arrêter à l’antécime du Cinto (appellation personnelle) bien accessible. Accessoirement nous y avons fait, avec Françoise, 3 mini cairns symboliques : un mignon, fragile et délicat pour Louise, un solide, puissant et inébranlable pour Fabien et un plus discret, un peu en retrait pour les parents.

A 16h je suis à U Vallone, chez Cathy la si gentille. Tout me dit d’arrêter, mais ça mettrait le programme de demain en échec. Faut y retourner après la pause coca. Sauf qu’au bout de 20mn, je vois bien que je rame. Je pose le sac et me fait un vrai casse croute sinon je vais droit au bivouac improvisé. Et là, ça marche et ça envoie à fond dans la grosse montée. J’arrive à Ciottolo di Mauri avant la tombée de la nuit. J’ai beau savoir tout ce qu’on m’a dit sur le gardien, je suis bien obligé d’y dormir. Douche froide.

A 6h30 (il a gelé) je suis au petit-dej, commandé au refuge. « Bonjour » dis je. « Mmm »  entend je.  J’ai dit « Bonjour !»  

«  Bonjour » répond il enfin. On n’est pas des sauvages quand même…

Pour la Paglia Orba qui m'intéresse pas le moindre itinéraire affiché au refuge.

Je monte vers le col bien visible. Aucun renseignement préalable, rien lu, rien feuilleté. Bien Loq…

Je croise un gars qui redescend avec sa frontale, il voulait voir le lever de soleil depuis là haut (échec, il a pris le mauvais côté) et il m’indique que les premiers cairns sont bien au col, puis juste derrière. 

Je navigue au petit jour de cairn en cairn toujours sans comprendre la logique de l’itinéraire. Ca se faufile et grimpe souvent fort dans des goulottes et cheminées. Je me retourne souvent et vérifie que je saurai bien redescendre tout ce que je monte. Lentement il faut y aller, c’est pas le moment de chuter. A un moment, je fais d’innombrables aller-retours pour voir si il n’y a pas plus simple que l’escalade de cette cheminée à droite de la goulotte. Obligatoire elle semble et bien faisons là. Ca devrait se redescendre. A gauche, à droite ça monte raide, ça n’est clairement pas de la rando, mais pas non plus une escalade avec baudriers et relais. En tout cas c’est plusieurs catégories au dessus de l’Obiou ou du Grand-Ferrand. Il faut vraiment la prendre cette petite vire au dessus du vide ? Me voila donc à 4 pattes !

La suite en partie haute est plus facile, dégagée et logique. Une plaque mortuaire pour les 2 corses qui sont morts là le 24 aout 1965. Ignace et son copain. Sûrement un orage et le froid. On m’a parlé de moins 11° sous un orage de grêle en juin au dessus d’Asco… La vue du sommet est infinie. La mer des 2 côtés et c’est peu dire, le cap Corse qui se dessine et tant de sommets, vallées et golfes clairs… J’aime ça la vie quand elle est là haut.

Il y a pas mal de vent et je veux beaucoup de marge pour redescendre, même si ça ne se couvre pas trop.

La descente vers la petite vire… Et bien sûr en haut de la fameuse cheminée, je ne pense pas être monté par là. Virevolte comme tu veux, c’est bien là. "Wouaou" je fais, ça détend. Et descend calmement. Le pire c’est que j’aime ça… les prises de talon et la main en opposition. 

Quand je termine, je croise un allemand qui monte, topo dans la ceinture. Morpho de grimpeur, il confirme, mais maudit son topo qui l’a envoyé à un endroit qui ne passait pas et lui a dit que le Tafunatu passait alors qu’on voit bien d’ici que c’est un itinéraire d’escalade. Je suis bien d’accord, il n’est pas question que j’aille là dedans malgré mon feuilletage dans une maison de la presse qui m’avait fait croire qu’il y avait un itinéraire de vires en zig zag. Je lui dit juste de surveiller les nuages. Si le brouillard épais vous prend alors que la première moitié de la descente n’est pas faite, vous êtes mort. Il acquiesce vivement et fonce.

Voila que pendant la fin de ma descente un couple entame le Tafunatu, sans corde et plutôt vite… 

Les vires qui me semblaient juste bonnes à gratonner, ils y marchent parallèles à la paroi !

Je me cale le dos sur un rocher et les regarde descendre pour en savoir plus.

Arrive un couple, grisonnant comme moi, et franchement je leur dit : « c’est l’itinéraire de la peur vu d’ici ! Je ne vais pas là dedans tout seul ! » 

Il est savoyard, photographe professionnel, a bien étudié l’itinéraire y compris sur youtube. Il vient faire des photos du trou pour une publication.

Venez avec nous me dit il. C’est Noël, feu !

Un bonheur, itinéraire parfait, une oeuvre d’art, la perfection pour qui n’a pas le vertige. On voit la mer depuis la fenêtre.

Sa compagne annonce appréhender la descente, je prend donc son sac et remercie ainsi à ma manière.

En redescendant sur Castel de Vergio, je me retourne souvent pour voir ces 2 perles. J’ai l’impression d’avoir bien rempli une des plus belles matinées de ma vie. L’ahuri candide de service refait surface. Ca sera souvent…

Le soir, bien que sur un nuage, je sais bien qu’il y a au moins un diplôme d’AeM qui ferait de bons confettis.

Tous les dépliants des OT de montagne le disent : « renseignez vous sur l’itinéraire, prévenez quelqu’un de votre sortie et de votre horaire de retour »…

Et pourquoi la Paglia Orba ? Il y a plus de 20 ans, lors de mon monitorat fédéral canyon en Corse, un AeM local m’avait dit : « le Cinto est la plus haute montagne de Corse, mais la plus belle c’est la Paglia Orba ».

Juste ça…

Le jour suivant je découvre enfin ces 2 belles étapes qu’on avait dû zapper à cause du déluge. Le lac de Nino est égale à sa réputation. Tout est paisible et bien à sa place. La bonne surprise est la bergerie de Vaccaghia et son emplacement enchanteur. Tout y est nickel et les tentes qu’ils proposent sont grandes et avec une vraie abside, autre chose que les 2 places/2 secondes du Parc infernales les jours de pluie avec les sacs à dos mouillés. Une belle halte à envisager.

A Manganu on me donne le droit de casse-crouter en terrasse sans consommer, cool.

La 2è étape par contre, celle qui inclut la brèche de Capitello, n’est pas du même repos. 90% sur cailloux et rocaille.

Les fameux lacs en contre bas, une dernière raide montée, la descente quasi dans un ruisseau sur Petra-Piana, j’y arrive alors que le soleil n’éclaire plus que lui. Que ça change d’il y a 10 jours où on n’avait jamais vu à plus de quelques mètres.

J’interroge Solange, l’assistante sur la possibilité de faire Vizzavona-Col de Verde (dans 2 jours) intégralement par la montagne. AeM elle aussi, elle me donne quelques tuyaux, mais sans carte je n’identifie pas le point délicat et retient surtout que « ça passe ».

Le lendemain matin départ radieux pour le Rotondo.

Une fois la brèche franchie, je vois un petit lac. Bizarre, sur une carte (que je n’ai pas) je l’avais vu plus grand.

Je me rappelle qu’il faut passer à sa droite, puis faire un zig zag dans les éboulis. Les cairns me confirment tout ça.

A droite de la grosse cascade (et tu ne te demandes pas d’où elle vient cette cascade ?), puis j’enchaine sur les éboulis.

Et là apparait le vrai lac, un étage au dessus. Il est grand effectivement, noir et les falaises se reflètent dedans, ça a de l’allure. Mais ça n’est pas pour ça que je modifie mon itinéraire…

Une très belle terrasse en haut me convient, au dessus c’est pure falaise. C’est un point central de la Corse, vue à couper le souffle sur tout le Sud et les 2 côtés. Je le mettrai bien en haut du podium. Le téléphone passe, j’appelle Françoise et laisse un message à Fabien. Pas de vent, la perfection de journée malgré la brume habituelle au loin. 

Temps clair mais moi je suis sur un nuage et j’y resterai longtemps.

Une fois de retour à Petra, j’interroge le gardien pour savoir si le dernier ressaut qui m’a bloqué pouvait se contourner.

« Mais il n’y a aucune escalade au sommet du Rotondo ! » Ce que vous avez fait c’est le Pizzo …….

Il fallait passer à droite du grand lac, franchir le déversoir et viser un rocher en fer de lance. C’était une demie heure plus haut. Paresseux Loq… D’excellente humeur, il me parle de la vue sur le Nord que j’ai raté, de la possibilité d’y voir le lever de soleil (si il n’y a pas de brume, on voit la Sardaigne et les Préalpes) et d’un itinéraire non porté sur les cartes qui rejoindrait Corte. (N’empruntez cet itinéraire que si vous avez de réelles compétences en escalade ! Un vrai pédago…).

Et voila que ça me fait un nouveau projet dans la tête...

L’après midi c’est traversée sur Onda par les crêtes, au bout je me trompe, ça tombe bien ça adoucit un peu la descente finale. Ils ne font plus les lasagnes au bruccio, sont sur le départ et c’est peu dire qu’on a l’impression de déranger…

Le jour d’après c’est enfin le Monte d’Oro, qu’on n’avait même pas aperçu dans le brouillard à l'aller. Dans la montée, je vois bien que la forme est toujours là, un bonheur.

Si on m’avait dit ça avant le départ, je ne l’aurai pas cru...

Je laisse donc le long vallon qui descend vers la cascade des anglais et file à gauche. Points jaunes vieillots que je vois mal et quelques cairns que je cherche parfois, soleil dans les yeux.

Sur l’arrête je m’interroge. Des cairns m’envoient à gauche en face Nord, il y a un petit lac, c’est froid, sombre, pas attirant surtout que je ne trouve pas la suite (sans doute sur l’arrête pour éviter la cheminée à venir). Je reviens au soleil, ai l’impression de trouver d’autres cairns mais ils me mènent au pied d’une cheminée de 6/7m. Et au loin à droite toujours pas plus d’itinéraire visible. Je la grimpe plus pour avoir enfin la vue que me cache cet éperon, et finalement c’est bien là, derrière tout est clair et logique. Le stress vient toujours non pas des passages mais du doute d’être sur le bon itinéraire. J’ai bien sûr pris un long moment en crête pour voir au loin, Rotondo, Paglia et Tafu bien visibles. 

Quand je suis sous le sommet indiqué en 20mn il y a beaucoup de vent et je vois un replat plus bas avec un bel abri en pierres. On ne se refait pas, j’y vais pour le casse croute et la sieste, de vraies vacances… 

Bien que j’ai horreur de ça je regarde l’heure à mon départ, 12h15. C’est pas vrai j’avais 100 fois le temps de faire le sommet mais je ne vais pas remonter là haut au col. Paresseux Loq…

Longue descente sur Vizzavona, belle forêt sur la fin, pizza, verre de vin et bonne musique à 16h. Je déguste… et achète la carte de l’étape inédite à venir.

Je doit démarrer demain du Col de Vizzavona et non de la gare. L’hotel le Monte d’Oro vient me chercher gratuitement !!!

Un bon plan c’est, 19,50€ la nuit en Gîte, repas possibles et classous au resto et salon avec cheminée qui flambe.

Orages pour le lendemain, j’y passerai donc la journée. Le matin je monte quand même voir mon départ et les bifurcations à prendre puisque je veux partir à la frontale, résultat 500m de dénivelée en Crocs, je rattrape un couple, "surtout vous ne regardez pas mes chaussures !» .

J’ai emprunté un livre et dort la moitié de l’après-midi. Je bénis cette capacité à reprendre des forces à n’importe quelle heure.

5h50 le 2 octobre, je suis déjà parti mais avec dès le début une faute vestimentaire. Je veux envoyer fort et suis en short (je ne pense pas avoir tant de marge horaire que ça). De chaque côté du col c’est rempli de nuages avec l’humidité de la veille et ça s’effilochera contre moi tout le matin avec un fort vent. Sur la première crête au dessus de la bergerie, j’ai éteint ma frontale, il fait encore noir et je cherche la suite. Je redescend l’éperon et m’aperçoit que je marche droit sur une vache couchée et les cornes qui vont avec. Elle me regarde. J’aime bien les vaches et je suis paysan mais je doute qu’elle le sache, vite je m’écarte.

Tu imagines l’accident de montagne…

Je respecte bien ce que Solange m’a dit et arrondit les dentelles. C’est plus une trace qu’un sentier, de loin on s’interroge mais effectivement ça passe. On n’y emmènera juste pas les petits et la grand-mère.

Je n’arrive pas à comprendre comment je vais les quitter ces dentelles. A un moment, très haut, les points rouges du récent trail franchissent un col et basculent au soleil. Il y a bien quelques cairns qui semblent monter encore plus haut, proches de la crête... J’ai vraiment les jambes froides, de l’autre côté c’est à l’abri du vent et au soleil, ça doit se poursuivre à ras la falaise de l’autre côté… Et voila comment on se trompe d'itinéraire à cause d’un short !

Je finis en effet en haut de la piste de ski de Capannelle (et encore, je ne veux pas trop descendre et rame dans les aulnes comme un sanglier, quel âne) et voila que je dois remonter tout là haut rejoindre les crêtes du Renoso. Bravo Loq… 

En haut tout est clair, c’est grand et large, un désert de cailloux, le sommet du Rénoso est à la hauteur des autres, je passe encore beaucoup de temps à repérer l’itinéraire des jours précédents et celui des jours à venir. 

Toujours ce besoin de savoir d’où on vient et où on va…

Il y a un franchissement de ravinous rocheux qui pourraient être chaud dans le brouillard, puis le plateau et la descente sur les bergeries des Pozzi. Vu d’en haut j’ai quand même l’oeil attiré par une autre version plus douce et plus variée. A refaire donc.

A Verde, c’est toujours l’étude psychologique qui est la plus intéressante. Lui est vraiment très introverti mais d’une belle courtoisie mais alors elle… Dans nos habituelles conversations entre randonneurs à faire le classement des hébergements, il se dit parfois : « celle qui fait la tronche ? Normal, c’est une corse ! » 

Le lendemain c’est une longue étape, Verde, Prati, Usciolu et Crocci par l’ancien itinéraire.

A Usciolu le gardien se rappelle de moi et de la conversation que nous avions eue. Tout est calme, on blague, décontractés, on est 5 en tout, ça change des 100 à 150 personnes qu’il y avait il y a 20 jours.

Je le félicite pour son stock d’épicerie, la poignée en bas de la porte de ses toilettes turques, les leds qui éclairent le cheminement dans les rochers. On voit qu’il aime son coin et s’en occupe. Je n’aborde pas l’unique WC, douche et lavabo pour une telle fréquentation, on va encore casser du Parc.

On arrive à Crocci après 9h de marche forcée (plus pauses), j’ai fait le lièvre tout le jour pour Marlan un bien sympathique allemand qui me parle parfois de ses randonnées en Nouvelle Zélande et en Crête.

Juste dans la dernière descente, j’ai d’un coup un coup de mou et quand ça monte de l’autre côté du ruisseau, je vacille.

Soit, en avant pour la 1ere barre de céréale du GR.

Depuis plusieurs jours je languis cette soirée à Crocci et l’omelette attendue. Ainsi que de revoir Ludo et Pierre-Paul, les 2 plus acceuillants de tous les hébergements, les seuls qui viennent vous serrer la main et se présenter à votre arrivée. Longue réussite à eux, ils le méritent.

Sauf que là, ils ne sont pas là malgré leurs dires ! 3 personnes ont réservé et il leur a été dit : « pas de problème » …

Rien sur la porte, tout est fermé, on est une dizaine. Ceci dit la lumière du soir est grandiose, on voit la Paglia et son voisin le Tafunatu avec la fenêtre. En stock j’ai juste mon casse croute du lendemain midi, ça va être dur.

J’entend depuis la table à côté : « pfou, j’ai du mal à finir. »

Je l’assomme tout de suite où j’attend un peu ?

Le lendemain matin je part le premier après juste un Twix et un coca. J’ai connu plus abondant.

Je rattrape l’ancien itinéraire (une demie heure) pour monter sur l’Incudine qu’on avait contourné la dernière fois.

Et bien sûr dès que ça monte, ça n’est plus facile comme tous les jours précédents, je rame et ressemble à ceux que j’ai tant croisé sur ce GR sous leur gros sac, une corvée… Je suis obligé de casse crouter avant le sommet, je suis de plus en plus lent, sauf que derrière ça je n’ai plus rien à manger que des barres. Quand on aime mieux le saucisson, il va falloir que je me force ! Encore une vue très agréable du sommet pour ce petit dernier. Je n’en redemande pas, l’objectif c’est Asinau et une omelette ou n’importe quoi de mangeable.

Personne à l’Algeco-refuge d'Asinao (où ça a brulé ce printemps), ni en bas chez Aline à la bergerie.

J’enchaine sur Bavella par le balcon pour connaitre cet itinéraire.

Je ferai tout l’après-midi avec les calories à flux tendu, en gros une barre toutes les 50 mn.

De temps en temps j’entend Loq qui se marre : "alors petit, t’en bave hein ? Feignasse… 

Hé, je fais ce que je peux oh…   Oui, oui c’est bien ce que je dis !"

C’est pas mal mais assez long. Je pense m’arrêter à Bavella et prendre un car, (en fait il n’y en a plus) il n’y a aucun sommet ou variante à ajouter à la dernière étape que j’ai encore toute en mémoire.

deux sketchs et un égo :

quand on entame la remontée finale, je rattrape un couple d’allemands grisonnants, très bien équipés. Un look de montagnards. Ils me laissent passer. C’est une montée raide avec de gros cailloux et il y a longtemps que là dedans je pratique ma nouvelle méthode moi qui suis paresseux du cerveau : pour ne pas toujours s’interroger si c’est mieux sur la droite ou à gauche ou les deux, je prend les gradins droits comme ils se présentent quitte à monter le pied et le reste assez haut. Si il y a un truc que ça a développé cet aller-retour, c’est bien les cuissots, alors allons y, on sera plus vite en haut ! (J’ai du prendre une barre il n’y a pas longtemps !). Sauf que, la dame elle enquille derrière !!! Mais je n’ai rien demandé moi, j’étais bien derrière à ne pas avoir à chercher les balises ! Le bruit de ses batons se calme et s’éloigne.

Et voila que c’est un couple de Québéquois qui me laissent passer. Je fait peur ? J’aime bien les lièvres moi.

Et tu le crois pas ? Le gars il enquille à fond derrière moi !!! C’est quoi cette rivalité ? Je n’ai jamais eu ça une seule fois de tout l’aller-retour ! On double ou on se fait doubler mais tout le monde reste à son rythme.

Ses batons se calment aussi mais je sais que c’est par courtoisie pour sa Nana, il ne soufflait pas derrière.

Le réseau au Col de Bavella étant capricieux, j’ai enclenché mon téléphone. Juste dans les derniers pins, un message rentre. Incroyable, c’est Pierric pourtant au courant de rien. Je prend le temps de lui résumer ce que je termine.

Arrivent les allemands et la dame incline la tête avec un sourire : « you have a very good condition ». Héhé…

Puis les Québéquois : « mais vous arrivez d’où, c’est quoi que vous faites ? » Oui le GR20, enfin un peu plus…

En repartant avec le sourire je m’aperçois qu’un égo flatté fait autant de bien qu’une gorgée de Muscat. 

Et j’espère bien que ça ne dure pas plus longtemps...

Aux Aiguilles elle m’annonce le repas à 20h. Pas possible, vite une mousse de châtaigne et un coca.

Les rencontres ont été nombreuses dans les 2 sens et souvent tes belles. Ephémères mais souvent très sincères. 

Ce serait un autre récit que de les raconter. Mais là, la dernière elle est pas mal…

J’ai aperçu un couple de Norvégiens qui vont aussi faire étape là.

Accessoirement quand je vais me doucher je constate qu’une seule douche est occupée. On se calme et tient tout en respect, ils sont juste ensemble sous la même douche n’est ce pas ?

Au repas, nos 2 tables sont côte à côte. Il engage la conversation avec beaucoup de respect et de silences.

A son regard, je nous sens très proche, psychologiquement je veux dire.

Ils me parlent de leur pays, (24h de route au Nord d’Oslo), de leur étonnement que tous les gens de l’intérieur ne parlent pas « a single word of english » et à un moment me dit pourquoi il tient tant à repasser à Paliri. J’ai l’impression de m’entendre : « sorry, i speak too much but it is such a nice story ! » :

3 mois d’escalade dans toute l’Europe il avait fait avec un copain 12 ans plus tôt et ils finissaient ici. Deux semaines à Paliri du tant du gardien Angel. Le premier soir ils rentrent tard de l’escalade et trouvent le gardien inquiet en train de les chercher. Cela n’était jamais arrivé de tout leur voyage. Ils se font réprimander. Tous les soirs à partir du lendemain, ils l’entendront jouer de la flute vers 18h, comme pour dire « il faut rentrer maintenant ». Ils partagent leur repas dans sa cabane tous les soirs. Au moment de payer, Angel leur dit : « l’argent est un dieu d’aujourd’hui qui corrompt tout. Pas question ». 

Il avait colorié des cailloux tout le long du chemin dont certains avec des extraits du Petit Prince et un tout particulier qui parlait de 52mn. Là où il était il restait pile 52mn pour arriver au refuge… Au moment du départ il pleut, ils entendent la flûte pendant qu’ils s’éloignent, les larmes aux yeux…

J’ai offert le pichet de vin et il m’apprend que chez eux on ne souhaite jamais « Bon appétit ». Ca semble uniquement français. Mais après tous les repas, ils disent l’équivalent de « Merci pour la nourriture ». C’est judicieux et magnifique, sans doute d’origine religieuse mais plus maintenant. On convient qu’il faudrait aussi dire « Merci pour cette journée ».

TAKK FOR MATEN !

Le lendemain matin le serveur nous aide à réaliser que la journée est exceptionnelle. On voit l’ile de Monte Christo et l’ile d’Elbe à les toucher et même tout au fond des reliefs de la côte italienne (les 5 terre ?). Pas un nuage sur Bavella, ça ne m’était encore jamais arrivé. La décision est vite prise, j’embarque ce qui reste dans la panière et vais faire la dernière étape avec jubilation. Aucune envie de retrouver la ville, les voitures, les cigarettes et le bruit.

A la crête intermédiaire, longue pause contemplation (en fait j’en fait énormément, c’est pour ça que j’aime marcher vite, sinon j’arrive à la nuit !) parce qu’on voit la Sardaigne à distance de pédalo. L’ile de Magdalena, les Lavezzi, Cavalo. 

Bons souvenirs de notre époque planche à voile.

Paliri tout seul est un luxe. J’inspecte et déguste chaque mètre carré de l’endroit. J’imagine encore une fois la vie de moine. Ca ne serait pas le manque de « sous la couette » je me demande si… On transige avec Loq pour 4 mois de moinerie et 8 mois de crapahut. (Et qu’est ce qui t’en empêche, tu as vu où tu habites ?).

J’attends le joli replat sous les pins (bergerie ruinée, source et bivouac de rêve) pour manger. Je traine quasiment.

Me rincer à la jolie vasque repérée à la montée (ça saute !), franchir la porte du GR 20 (appellation Camille), sorte de compte-moutons entre 2 rochers, très vite derrière il fait trop chaud, tout léger dans Conca, heureux et silencieux, et surtout toujours l’impression que la forme est olympique et que ça pourrait continuer encore longtemps…

Il y a un mois je n’avais aucune idée si une telle durée allait m’user ou bien m’améliorer, la réponse est bien réjouissante,

L’an prochain ce sera les Pyrénées et leur 40 jours avec gourmandise.

Baignade solitaire au soleil couchant, restaurant comme un pacha et bivouac sur le plancher d’une paillote de plage, je n’ai pas de matelas mais c’est peu dire que je m’en fous, tout est à sa place, merci la vie.

 

 

 

 

 


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